Comment mieux soutenir les professeurs des Écoles de la CCIP dans leurs démarches d’innovation pédagogique ?

Par Emmanuelle LE NAGARD, Professeur de Marketing, Doyenne Associée à la Pédagogie. Emmanuelle s’intéresse depuis toujours à la méthode des cas, et la met en œuvre dans ses enseignements de la pédagogie par projets.

C’est un des objectifs poursuivi par la Direction de l’Innovation Pédagogique (DIP) de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris-Île-de-France (CCIP), menée par Lucie Paquy. Catherine de Géry, Professeur à ESCP Europe, membre du groupe de travail « Innovation Pédagogique » à la Conférence des Grandes Ecoles, Lucie Paquy et moi-même avons décidé, pour aborder cette question, de commencer par organiser des focus groups avec des enseignants d’écoles de la CCIP-Ile de France, à savoir ESCP Europe, HEC, l’ESIEE – une école d’ingénieurs-, et l’ESSEC. Le but était de comprendre quelle est la vision qu’ont les Professeurs de leur métier, leur définition de l’innovation pédagogique, leurs motivations, mais également leurs besoins de soutien méthodologique et institutionnel. Deux focus groups, et un entretien individuel, impliquant au total 18 professeurs ont eu lieu fin 2017, dans les locaux de la CCI Porte de Champerret. 5 collègues de l’ESSEC (Hubert Faucher, Hugues Bouthinon-Dumas, Florence Cavelius, Michaël Kouklakis, et Laurent Bibard) ont participé à ces échanges. Une restitution sous forme de webinar a eu lieu en janvier 2018.

Plusieurs enseignements intéressants sont apparus :

Tout d’abord, la vision du métier d’enseignant semble évoluer nettement d’une transmission de connaissances ou de techniques, vers le développement de compétences. Ceci a des implications importantes sur la pédagogie mise en œuvre, de plus en plus tournée vers des méthodes interactives, visant à engager les étudiants, les mettre en situation, et vers le recours croissant à de l’apprentissage par l’action.

L’innovation pédagogique, pour les collègues interrogés, n’est pas synonyme d’innovation technologique. En fait, on peut, pour eux, innover sur deux dimensions : le contenu des enseignements et la méthode d’enseignement. En ce qui concerne l’innovation pédagogique proprement dite, c’est-à-dire l’innovation sur les méthodes, celle-ci peut se faire avec ou sans recours à des technologies nouvelles. Ainsi, certains participants ont présenté des innovations pédagogiques low-tech, comme l’utilisation d’un cas Fil Rouge, ou la rédaction de cas par les étudiants eux-mêmes, avec des résultats très intéressants sur l’engagement des étudiants, leur satisfaction, et l’efficacité de l’apprentissage. D’autres, au contraire, ont évoqué des programmes entièrement enseignés en ligne.

En termes d’accompagnement, il est frappant de constater que les participants ont le plus souvent innové à leur propre initiative, afin d’améliorer l’engagement des étudiants, pour s’adapter à un environnement nouveau, plutôt que sur une commande institutionnelle. La reconnaissance est éventuellement venue ensuite. Les professeurs interrogés ont unanimement souligné que l’innovation pédagogique leur paraissait faiblement valorisée, au regard du temps investi, en termes de progression de carrière, de temps alloué ou de budget.

Ces difficultés, si elles n’ont pas empêché, par définition, nos participants au focus group de développer des innovations pédagogiques, risquent à terme de décourager les bonnes volontés, en nombre limité. Quelques pistes ont été évoquées pour résoudre ce problème, comme le fait de publier dans des revues de recherche en pédagogie, d’avoir des décharges d’heures de cours pour la mise en place, mais également le déploiement des pratiques pédagogiques innovantes. Les participants ont également plaidé pour une reconnaissance plus explicite de l’innovation pédagogique comme élément important et distinctif de la stratégie des écoles.

Tout le monde est arrivé à la conclusion que ce chantier, passionnant, ne faisait que commencer ! A court terme, le contenu sera présenté lors du Colloque Pédagogie, dans le cadre de la Semaine du Management de la FNEGE, le vendredi 25 mai.