Par Xavier Pavie, Directeur de l’iMagination Centre
La semaine de l’imagination a été créée il y a plus d’une dizaine d’années avec les objectifs principaux de développer la créativité, l’esprit visionnaire, la transdisciplinarité et la posture curieuse afin de favoriser l’innovation responsable. Depuis 2012 c’est près de 13 000 étudiants qui ont été formés à la méthode iMagination développée à l’ESSEC. Cette méthode se base sur la transdisciplinarité et vise à permettre plus de créativité, plus de collaboration, plus d’esprit critique également. L’iMagination Week repose sur 4 compétences essentielles : la créativité, la collaboration, la posture curieuse et la pensée critique.
Dans ce billet, le Professeur Xavier Pavie partage sa vision de l’imagination comme compétence plus que jamais essentielle dans nos sociétés ou les apprentissages sont hyperspécialisés.
L’imagination n’est pas innée, nous ne sommes pas déterminés avec plus ou moins de capacité à imaginer. Cette faculté se cultive, elle s’éduque et s’enseigne, elle se transmet. Si Aristote nous dit que la première qualité d’un philosophe est sa capacité à s’étonner, c’est parce que cette qualité est fondamentale pour qui veut dessiner son existence et diriger celle-ci vers la sagesse. Le jeune enfant s’étonne facilement toutes ses journées durant : un ballon, un animal, un fruit, une musique. Son imagination va de pair et il s’imagine entrer dans le jouet avec lequel il s’amuse, il est prêt à engloutir un légume cru alors qu’il s’agit de le cuire, le grand lit des parents est parfois un océan, de temps à autre un trampoline.
Qu’est-ce qui annihile notre imagination et notre créativité ? Pourquoi celles-ci disparaissent au fur et à mesure que nous grandissons ? Notre formation scolaire classique ne nous aide pas même si les objets de la curiosité y sont nombreux : les disciplines, les enseignants, les camarades de classe. Cependant les méthodes employées sont peu propices à l’imagination, assis sur une chaise plusieurs heures par jour à ingurgiter des matières à travers des paroles, et des textes. On commence déjà à tuer autant l’imagination que la curiosité, autant la créativité que le rêve. Si le collège comme le lycée ne sont pas spontanément des lieux où l’imagination permet de s’épanouir, les études supérieures ne sont pas plus adaptées. Faites des études de droit, de philosophie, de management ou de mathématiques, on vous servira la matière choisie et uniquement celle-ci en long, en large et en travers par la parole du Professeur-expert, par les livres choisis et autres exercices dédiés. L’imagination de l’étudiant est sans cesse remise à sa place : nulle part. Pas d’imagination, pas de curiosité, pas de créativité : bachotage et autre apprentissage par cœur sont les figures récurrentes de l’enseignement.
C’est la confrontation à des choses que nous ne connaissons pas, à des personnes différentes, à des situations originales qui sont à la base de la créativité et l’imagination. C’est pourquoi la transdisciplinarité est une voie permettant d’éveiller et d’entretenir l’imagination. La transdisciplinarité est en effet la capacité de relier des disciplines entres elles et surtout à les dépasser, ne pas rester au « simple » niveau de l’expertise, mais comprendre les enjeux que cela peut recouvrir au-delà de la discipline. Si nous n’arrivons véritablement jamais à sortir du cadre, nous pouvons au moins repousser les bords de celui-ci en observant ce que nous ne connaissons pas, en nous confrontant à ce que nous redoutons, en explorant ce qui n’est pas dans nos habitudes. Lire les recherches de paléontologues et d’astrophysiciens, écouter des chanteurs punks comme de grands classiques, regarder travailler des artisans chocolatiers ou des confituriers, mais aussi comprendre la vie de cyborgs, de mathématiciens, de street-artistes, sont les clefs pour nourrir notre imagination. Qui que nous soyons, quoi que nous fassions, nous avons besoin de recouvrer notre capacité d’étonnement, d’aiguiser notre imagination. Il y a cinquante ans les murs de nos villes étaient recouverts du slogan « l’imagination au pouvoir », il est peut-être temps que cela devienne une réalité.
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